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LA JOLIE GAZIÈRE

ton affaire, mon enfant (dit Hélène) : mais tiens, Colette le sait, et elle te l’écrira… À toi, Colette, dis-nous la tienne, ma fille ? N’en sais-tu pas quelqu’une ? — Tu sais bien celles que je sais ; dis-moi toi-même celle que tu veux que je dise. — Oui, mais tes chansons sont toutes vieilles comme ces rues, et j’en voudrais en tendre de ta bouche une qui fût un peu gaillarde. — Oh ! je n’en sais point, Hélène. — Si fait, si fait, tu en sais une qui n’est pas si mauvaise, que je chantions quelquefois ensemble : tiens c’est sur l’air de la Furstemberg :

Quand aurai-je l’avantage
De pouvoir enfin me venger
D’un berger
Qui m’a pris mon pucelage
Dans un coin de notre verger !


Allons, chante ! — C’est trop libre, Hélène, et c’était bon quand nous étions enfants. — Bon, tu fais la scrupuleuse ! Elle est pourtant jolie : écoute bien :

J’eus beau m’en vouloir défendre,
Avant de lui laisser prendre !
Je lui dis, Colas,
Quand tu l’auras,
En seras-tu plus gras ?


— Elle avait raison (dit le soldat), et sa remarque était juste. — T’es poli, toi, de m’interrompre quand je chante ! (lui dit Hélène). — Ce que j’en ai dit, c’était pour approuver la chose : car c’est bien dit !

En seras-tu plus gras ?


C’est bien dit ! N’est-ce pas donc, mon fieu ? — Non on est que plus maigre (répondit en ricanant le faraud). — Laissons cette chanson-là, ma bonne amie (dit Colette), et si tu veux le permettre, j’en vais chanter une à mon goût. — Soit, je le veux bien. (Au soldat) : Et toi, si tu l’interromps, tu porteras ma main, entends-