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LA JOLIE GAZIÈRE

à ma mère ; j’ai cédé, mais de la bonne manière, et je m’en trouve bien. Vive ta chanson, elle vaut mieux que toutes les nôtres ! Colette rougit à ces louanges, et crut avoir donné une chanson fort indécente ! Le souper était à sa fin. On voulut rire et badiner ; Hélène en donnait l’exemple avec son faraud ; mais Colette repoussa le semestre, toutes les fois qu’il s’approcha de trop près. — Tu vois bien ! ( disait la mère d’Hélène) : Va, ça n’est bon à rien ! — Peut-être ! si elle peut s’en passer, ça n’en sera que mieux… Enfin on se sépara, et les deux hommes reconduisirent Colette, quoiqu’elle les remerciât.

Lorsqu’ils furent arrivés à sa petite chambre, le semestre voulait absolument y rester, et Colette fut obligée d’appeler les voisines à son secours. On renvoya le soldat scandaleux : mais on fit des reproches à Colette d’avoir été en sa compagnie. Elle raconta la chose comme elle était arrivée. — Vous étiez avec Hélène ! C’est une gueuse, qui raccroche à présent dans la rue Grenetat, après avoir été avec la moucharde dans la rue Saint-Honoré. Colette manqua de se trouver mal, elle remercia ses voisines, et leur promit qu’elle ne reverrait jamais Hélène.

Colette avait quitté la rue d’Ablon, pour se loger dans celle de l’Arbalète. Au même étage sur le devant demeurait une blanchisseuse, nommée la Wallon, veuve d’un cordonnier, et ancienne connaissance de la mère de Colette. C’était une bonne femme : elle élevait comme siens deux enfants de son mari, qui étaient en même temps ceux de sa meilleure amie. La fille s’appelait Manon. Elle était une de celles qui étaient venues au secours de Colette. Manon était d’une figure charmante ; elle avait l’âme douce, sensible, et paraissait fort touchée de la misère de Colette, depuis que celle-ci avait perdu sa mère : elle en parlait quelquefois à la mère Wallon : — Colette est bien gentille (lui disait-elle) ; c’est une fille bien sage ! j’aurais bien envie de la fréquenter. — Il faut prendre garde, quand on fait de nouvelles connaissances, ma fille ! vous ne voyez