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LA JOLIE GAZIÈRE

milieu de la rue de l’Oursine, elle rencontra le faraud d’Hélène et son ami le semestre. Elle voulut les éviter, en se glissant dans une allée. Mais ils l’avaient aperçue ; et comme Hélène était furieuse contre elle, depuis son avanie dans la gazerie, elle les avait animés, et leur avait fait promettre de la venger. Ils poursuivirent donc Colette dans l’allée, et, l’ayant attrapée au milieu d’un escalier obscur, ils lui firent des indignités qui excitèrent ses cris. On vint à son secours. Les deux scélérats dirent que c’était une débauchée, compagne de la moucharde, qui était connue de tout le quartier, et qu’on ne devait pas s’intéresser à elle. Ils furent crus. Les gens de la maison fermèrent leurs portes, et Colette n’eut d’autre ressource que de tâcher de s’échapper dans la rue. Elle y réussit avec peine. Lorsqu’elle y fut parvenue, elle s’enfuit de toutes ses forces. Au coin de la rue Mouffetard, elle fut arrêtée par un carrosse de place, et les deux libertins allaient l’atteindre, quand celle qui était dedans ouvrit la portière, et la reçut. Elle fit sur-le-champ avancer son fiacre et s’éloigna. Colette remercia sa libératrice, et la pria de la descendre chez elle, rue de l’Arbalète. La femme le lui promit, après qu’elle aurait terminé une petite affaire qui l’amenait dans le quartier. En chemin, elle lui demanda le sujet qui la faisait fuir devant deux hommes ? Colette, simple et naïve, qui voyait une femme bien mise, quoique dans le costume de faubourienne, ne crut pas être imprudente que de lui exposer sa situation. Elle lui raconta tout ce qui lui était arrivé depuis quinze jours ; et elle insista particulièrement sur ce que les deux libertins l’avaient accusée d’appartenir à la moucharde : — Hélas ! je ne la connais seulement pas (ajouta l’innocente), et je ne l’ai jamais vue. — Pour moi, je la connais (répondit la femme qui avait reçu Colette dans son fiacre) : elle n’est pas si noire qu’on vous l’a faite. Mais cette Hélène, dont vous m’avez parlé, est une malheureuse, une libertine, une escroqueuse, qu’on doit faire arrêter. Vous avez bien fait de rompre avec une créature de