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La Dernière Aventure
d’un Homme de Quarante-cinq ans



Infortuné ! à quel âge m’attendaient et l’amour, et la jalousie, et l’égarement, et la perfidie, et les faux serments, et les larmes de rage, et les serrements de cœur, et les soupirs sanglotés, et la cruelle insomnie, et les transports de douleur, et les chagrins, et le brisement de l’âme, et l’horrible désespoir !… Mais hélas ! qui n’y eût été pris comme moi !… O toi, qui as passé l’âge de plaire, et qui regardes encore avec plaisir une fille à l’œil doux et modeste. Insensé ! fuis ! que crois-tu trouver dans son cœur ? l’inconstance, le mépris, le dégoût, le désir de te tromper, l’effronterie pour braver tes reproches !… Telle fut Elisabeth Sara Lee : telle fut la fille que je crus tendre, douce, reconnaissante, aimable, sincère, constante, fidèle !…


Je me nomme d’Aigremont, et je suis né en 1734, le 22 novembre[1]. En 1780, j’avais quarante-six ans, et j’aimai ! j’aimai !… Pardonnez, lecteur sévère, je ne suis pas coupable. Si j’ai donné entrée dans mon trop sensible cœur au fatal poison de

  1. « Je vis le jour en 1734, le 22 novembre. » Monsieur Nicolas, p. 1. En réalité Restif est né le 23 octobre.