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LA DERNIÈRE AVENTURE
LA FOLIE

Ne craignez rien ! Les Grâces se garderaient bien de blesser l’Amour ! Moi-même je remplis à regret les ordres du destin… Mes sœurs, que ne pouvons-nous lui laisser encore la vue libre, pour voir les heureux qu’il a faits[1].



Je fis mille compliments à Sara, en vantant son esprit et ses talents ; tout le monde vint la féliciter sur sa jolie bagatelle, mais elle ne parut sensible qu’à mon approbation. Nous revînmes, et favorisé par l’obscurité, je la tins dans mes bras pendant la route.

« Je suis aimé d’une femme d’esprit, jeune, belle, pensais-je, et je l’adore ; quelle félicité m’attendait au soir de ma vie ! » Le reste de la soirée, je fus dans l’ivresse ; et comme au commencement d’une passion tout semble la favoriser, la mère de Sara et Valfleuri, qui vivait avec elle, se retirèrent de bonne heure, en nous disant que nous pouvions causer le reste de la soirée si cela nous amusait.

Nous ne demandions pas mieux. « Charmante fille, dis-je à Sara, votre mérite m’enchante ! Qui vous eût soupçonnée, à votre âge, d’avoir tant de capacité ! — Je vous ai déjà dit que j’ai vu un certain monde ; nous avons demeuré quelque temps, ma

  1. Dans la Prévention nationale, qui parut en 1784, Restif a publié cette lettre de Mme Debée, qui lui réclamait la pièce de sa fille :
    « 14 décembre 1782.

    « Je vous écris, Monsieur, pour m’informer de votre santé et pour vous prier de me renvoyer une pièce de comédie, que vous avez à moi depuis deux ans. Cet ouvrage m’est précieux, à bien des égards ! Il vous fut donné, je le sais, par ma fille, mais alors vous étiez pour elle ce que vous n’êtes plus. C’est vous en dire assez. J’ai l’honneur d’être, monsieur, en attendant l’effet de ma demande, votre très humble servante.

    « Femme Lée

    « P.-S. — Bien des choses de la part de l’Ecrivine. »