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l’occasion se rapprocher, quand elles étaient jolies et accueillantes, ce qui leur arrivait souvent.

On ne connait pas suffisamment le xviiie siècle quand on n’a pas lu Restif. Il nous montre ce que les écrivains contemporains, sauf deux ou trois, affectent de négliger ou n’abordent qu’avec une sorte de dégoût, l’humble vie de la plèbe, ses joies naïves, et ses vices qui valent bien ceux des nobles, quoiqu’ils soient moins élégamment vêtus et plus dépourvus de littérature. Et c’est un joli tableau à présenter à ceux qui exaltent les vertus plébéïennes et tonnent contre la corruption aristocratique.

Débarrassez cet écrivain original mais trop verbeux de son fatras, réduisez-le à cinq ou six volumes, prenez comme illustrateurs, Chardin, Jaurat, Debucourt, et quelques autres, vous aurez le recueil le plus précieux, l’ensemble de documents le plus complet, le plus utile et le plus passionnant sur les mœurs du xviiie siècle.

Incomparable évocateur du Paris de Louis XV et de Louis XVI, Restif est aussi un admirable peintre de l’amour, mais sans le vouloir et sans le savoir.

Presque tout ce qu’on a écrit sur l’amour est insignifiant ou stupide. C’est là surtout que l’on constate un considérable écart entre les théories des hommes et leurs actes. Les plus cyniques en matière de divertissements passionnels se découvrent des trésors de réserve et de délicatesse quand ils abordent, la plume à la main, le sujet qui leur est le plus cher. Ils s’égarent dans les méandres d’une fade psychologie, alors que la physiologie seule — et ils ne l’ignorent pas — est en jeu. Ils planent au-dessus des bas instincts de la nature humaine. C’est la bête qui fait l’ange.

Restif n’échappe pas à cette sorte d’hypocrisie. Disciple de Rousseau, il abuse du pathos, et il invoque la divinité à des moments où la divinité n’aurait qu’à se voiler la face. C’est un