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INTRODUCTION

d’abbé de Fontenay[1], chargé en 1779, après Meusnier de Querlon, de la direction littéraire des Affiches de province[2], écrivait, le 12 avril 1783, dans ce journal : « En lisant cette nouvelle production d’un auteur qui n’imite personne, le ton de vérité qu’on y trouve étonne, saisit, et donne de la confiance ; il est impossible de mentir ainsi ; on y voit des inégalités, des répétitions, mais on sent que ces défauts sont naturels à l’homme, fortement affecté, qui trace, journée à journée, les effets de la passion funeste qui le tourmente. Si l’on trouve des lettres dans le récit, on sent qu’un romancier les eût faites autrement, et l’on se dit : Ces lettres sont vraies ! Si l’éditeur cite des histoires épisodiques, elles ne sont ni de son style, ni de son faire. S’il peint l’amour, ce n’est pas une jolie chimère, c’est la réalité. S’il peint la jalousie et le désespoir, le lecteur, entraîné, sent le désespoir et la jalousie : on est convaincu que l’écrivain trace ce qu’il éprouve. C’est le principal mérite de cette production, écrite du reste, par bonds et par sauts ; le style est tantôt vif, tantôt prolixe, diffus, languissant, mais alors même il est pittoresque et montre l’âme affaissée de l’écrivain qui se peint lui-même. »

On a un peu abusé de cette formule : une tranche de vie. À aucun livre, croyons-nous, elle ne s’applique aussi justement qu’à celui dont nous donnons aujourd’hui une réimpression, élégante comme si elle ne s’adressait qu’à une élite, et abordable par son prix à tous les publics.

Henri d’Alméras.
  1. L’abbé de Fontenay mourut à Paris le 28 mars 1806 (la même année que Restif) dans une profonde misère,
  2. Dans sa Bibliographie de la Presse française (p. 66), Hatin a dit de cette feuille, qui vécut de 1752 à 1784 : « Elle est plus foncièrement littéraire que l’Affiche de Paris, les annonces n’y formant qu’un accessoire presque insignifiant ; et c’est assurément un des recueils les plus intéressants pour la bibliographie et l’histoire littéraire de la dernière moitié du XVIIIème siècle. »