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INTRODUCTION

avec Restif, lui tint ce langage dénué d’artifice : « Je veux que tu me fasses une fille. On dit que tu les fais jolies. Ce sera mon gagne-pain un jour. » Et il s’empressa de lui rendre innocemment le petit service qu’elle demandait.

Une quinzaine d’années plus tard, en 1776, Restif vint se loger, rue de Bièvre, près de la place Maubert[1], chez une dame Debée, dans une chambre qu’avait louée sa femme, Agnès Lebègue — avec qui il ne vivait plus — et que son départ pour Joigny laissait vacante. Il ne reconnut pas d’abord cette dame Debée. Il ne devina plus tard que cette forte commère, aux traits vulgaires, avait été la jolie et fraîche Lambertine, et dès lors, il s’attribua, à tout hasard, la paternité de Sara Debée, qui, en 1775, n’était qu’une fillette « faite au tour, mise avec une élégance recherchée, et surtout avec la plus belle taille et la plus charmante figure[2] ». Il ne se lia avec la mère et la fille que quatre ans après être devenu leur locataire. Ce qui résulta de cette liaison, on le verra dans la Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans.

Ce roman, qu’appréciait beaucoup Delille[3], juge d’ailleurs peu compétent, et que loue avec quelque exagération le bibliophile Jacob[4], a toujours passé pour un des meilleurs de Restif, même à son époque. Un critique oublié, mais point négligeable, un jésuite, Louis-Abel de Bonafous, plus connu sous le nom

  1. Il abandonnait son appartement de la rue du Fouarre, où l’inspecteur Goupil était venu faire des perquisitions au sujet de l’École des Pères, roman dont Restif préparait la publication, et que la police attribuait à Diderot.
  2. Monsieur Nicolas, t. III, p. 200.
  3. « Le citoyen Delisle (sic), en 1793, m’a positivement assuré l’utilité de la Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans », Monsieur Nicolas, t. III, P. 197.
  4. « Ce roman, moins soigné de style que Manon Lescaut, me semble bien supérieur, sous le rapport de l’intérêt, du pathétique et de la vérité, au chef-d’oeuvre de l’abbé Prévost. » Bibliographie et Iconographie de Restif de la Bretonne, p. 213.