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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/260

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LA DERNIÈRE AVENTURE

per avec elle, et je n’en fus pas fâché… Le mercredi je ne la vis pas ; je sus, le soir, qu’elle avait eu de l’inquiétude : elle demanda de mes nouvelles. Elle voulut en venir chercher elle-même : elle y vint, et je la trouvai dans l’escalier. Je fus charmé de cette attention, plus flatteuse encore que je ne le croyais dans le moment, puisque je pensais que sa mère l’avait envoyée. Mais un cruel revers m’attendait quelques jours après ! Mon rival, qui n’avait pas voulu faire bourse commune, apparemment, était éconduit par la mère de Sara de la manière la plus complète. La jeune personne en était dépitée ! et sa mère l’ayant assurée qu’elle ne verrait plus mon rival, Sara lui répondit qu’elle y consentait, pourvu qu’on me priât de rester chez moi, attendu qu’elle préférait la solitude à la compagnie. « Vous le direz donc vous-même, reprit la mère, piquée du ton de sa fille. — Je le dirai. »

Vers les deux heures, je parus, suivant mon usage, depuis la sortie de la maison. Je trouvai les deux femmes ensemble. On me parla comme à l’ordinaire, et je sortis sans qu’on m’eût fait le compliment prémédité. Mais le soir, étant revenu pour diner avec Sara, sa mère, que je trouvai seule, me dit : « Comment ! vous voici ! On ne vous a donc rien dit, tantôt ? — Non, madame. — Hé bien, apprenez que Mademoiselle doit vous prier de rester chez vous. » Elle me fit ensuite le récit de l’altercation qu’elle avait eue le matin avec sa fille. Je la priai de l’appeler, pour entendre de sa bouche les raisons de son procédé ; quels étaient mes torts, si j’en avais ; en un mot, ses motifs ?… Sara répondit à peine, et je soupçonnai la mère de vouloir m’éconduire, ou me tirer quelque chose. Je sortis ; flottant dans l’incertitude. Je ne cessai pas de voir Sara, avec laquelle je soupais, mais d’être familier avec elle.

Un soir, que je passais par la rue de Bièvre (j’avais été demeurer dans celle des Bernardins[1] qui en est proche), de loin

  1. Dans le quartier de la place Maubert. Elle aboutissait d’un côté à la rue Saint-Victor, et de l’autre au quai de la Tournelle.