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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/286

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LA DERNIÈRE AVENTURE

véritable instant de la promenade. » En même temps, ses beaux yeux se tournèrent vers un coteau couvert de verdure, de blés, de seigles et de fleurettes. Elle en prit le chemin, appuyée sur mon bras. Sa mère et Florimond nous suivaient à quelque distance. Le sentier était étroit, un peu tortueux ; les seigles étaient à notre hauteur, l’air parfumé par les émanations des fleurettes, les mêlait à celles de la verdure et de la floraison des seigles, un zéphir caressait les tresses de Sara et la dédommageait de son éventail, qu’elle avait laissé dans l’endroit où nous avions goûté… Jamais elle n’avait été si belle ; c’était une nymphe au milieu des champs fleuris… « Je t’ai rêvé cette nuit, me dit-elle, il m’a semblé que nous allions être mariés. J’en étais ravie ! » Sa main blanche pressa la mienne, sa bouche de rose me donna un baiser. J’étais sous le charme ; douze mois venaient de s’effacer… J’exprimai les plus tendres sentiments… Parvenus au haut de la colline, nous respirâmes l’air le plus pur. Sara se mit à courir, je la suivis. Une alouette se leva sous nos pieds. Je trouvai son nid ; il y avait des petits ; Sara fut dans une sorte de transport en les voyant. Elle me donna deux baisers. « Je n’ai jamais eu de bonheur qu’avec toi ! » Ce furent ses expressions que son air rendit encore plus flatteuses. La mère de Sara fut elle-même ravie ! tant il faut peu de chose pour se concilier les femmes ! tant il faut peu de chose pour se les aliéner ! Un an auparavant, qu’avais-je fait ? Trop de bien.

Le reste de la promenade. Sara fut folle de joie. Vers le lieu du Boulevard du Jardin-Royal, nous entendîmes des femmes chanter Raimonde, toute nouvelle alors ; nous l’écoutâmes. Sara me tira dans un seigle voisin, où nous nous cachâmes et là, elle répondit à la chanson des inconnues par celle-ci :


Air d’Épicure.


Rien n’égale dans la Nature
L’amant dont mon cœur est charmé ;
Pour la volupté la plus pure
Les Dieux tout exprès l’ont formé :