trop relevé pour elle, ou si vous voulez…[1] » Elle n’acheva pas,
mais j’ai présumé depuis qu’elle avait pensé trop décent. « Il faut
essayer vos talents, ma belle Sara ? — Je les réserve pour quelque
chose de plus important. — Comme quoi ? — Pour mériter votre
estime. — Ah ! charmante Sara !… — Badinage à part, je me
réserve pour écrire un jour ma vie, lorsqu’à l’aide de vos sages
entretiens, mon esprit sera plus mûri. — Vous me flattez, Sara,
mais je serais enchanté de voir votre vie, non pour satisfaire une
indiscrète curiosité, mais parce que je m’intéresse à vous. »
Une autre fois, elle me pria de lui faire une chanson sur l’air : O ma tendre musette. « Je connais une demoiselle à qui un homme d’esprit en fait ; rien n’est si flatteur que de chanter ce qui a été fait pour nous. » J’en convins et je lui promis d’y faire mon possible. « Je sais un autre monsieur, ajouta-t-elle, qui est d’une société où les dames donnent aux hommes une tâche qu’ils sont obligés de remplir. — Eh ! quelle tâche ? lui demandai-je en riant.
— C’est une Nouvelle, dont celle qu’ils aiment soit l’héroïne, sous un nom supposé… J’ai une de ces Nouvelles en manuscrit ; je vous l’apporterai à ma première visite, et vous m’en direz votre sentiment. » Je la remerciai, en lui témoignant la plus grande envie de voir sa Nouvelle, me proposant, tant j’étais épris déjà, de faire une Nouvelle, si je ne pouvais rimer une chanson.
Comme le lendemain était le 8 décembre[2] et, par conséquent, fête, Sara ne quitta pas la maison de sa mère et elle m’apporta sa Nouvelle le matin. La voici : la difficulté prétendue que donnent les mots prescrits, me parut trop facile à vaincre pour m’y assujettir dans celle que je ferais. Sara me pria de la lire. Jamais lecture ne me fit tant de plaisir ; l’aimable Sara avait un bras passé sur mon cou et me suivait des yeux.