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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/51

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Les Deux Cinquantenaires



Hélas ! quand on a passé l’âge d’être aimable, l’amour n’est plus un plaisir, c’est un tourment. Temps heureux de ma jeunesse où mon âme ouverte à l’espoir trouvait un charme jusque dans ses peines ! Tu n’es plus ! L’automne a succédé, je n’ai plus en perspective que le triste hiver. Un voile sombre se répand sur la nature et me cache son aimable sourire ; je ne la vois plus que tombante comme moi. Si quelque chose me console, c’est le souvenir de mes anciens plaisirs ; lui seul, par une aimable magie, me reporte à mon printemps et m’en rend l’ivresse. Jeunes gens ! retenez bien cette vérité ! On ne jouit, dans l’âge mûr, que des plaisirs honnêtes qu’on a goûtés dans la jeunesse, surtout de ceux de l’amour ; ils sont les seuls qui tiennent à l’âme ; mais il faut que l’amour, et non le vice, les ait procurés. Avec quel délicieux sentiment ne me rappelé-je pas encore aujourd’hui cet objet qui toucha si vivement mon cœur !… Zéphire[1], la plus

  1. Maîtresse et, à en croire celui-ci, fille de Restif. Elle habitait en 1756, quand il la connut, rue Saint-Honoré, et se livrait à la prostitution. Elle avait alors dix-sept ans. « Jamais la nature ne forma rien de comparable, en beauté comme en mérite, à Zéphire… Rien au monde, dans aucun livre, d’aussi pur, d’aussi intéressant que Zéphire ; et elle était prostituée, vierge cependant, et la vertu même, quand il la rencontra, la sauva. » (C’est du moins ce qu’affirme Cubiéres-Pahnezeaux dans sa Notice sur la vie et les ouvrages de Restif de la Bretonne,