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LA DERNIÈRE AVENTURE

où je serai privé du bonheur de vous voir. — Ah ! que j’aurai de plaisir à la lire ! répondit Sara en pressant une de mes mains dans les siennes. »

Je tins parole à ma jeune voisine. Je me mis à l’ouvrage dès le soir même et je terminai la Nouvelle dans la semaine, de sorte qu’elle était toute prête pour la lire à Sara le dimanche. Mais ce qu’il y a de particulier, c’est que cette Nouvelle fut écrite en décembre et que je la réalisai dans tous ses points, le dénouement excepté, au mois de mars suivant. Sara en est la véritable héroïne, sous son premier nom d’Élisabeth, abrégé par Élise ; j’y fais le rôle de Parlis et, en la plaçant ici, je raconte des faits réellement arrivés.

Sara, lorsqu’elle fut montée chez moi, me montra la plus vive amitié, une confiance sans bornes. Quand je lui dis que la Nouvelle était faite, qu’elle était intitulée :

Les deux Cinquantenaires,

elle me pressa de la lire avec elle et, pour me rendre cette lecture plus agréable, elle se mit sur mes genoux. « Voyons, me disait-elle, ce que vous feriez si vous m’aimiez et qu’un autre m’aimât ? Pour moi, je sais bien ce que je ferais ; mais je n’en suis pas moins curieuse de connaître toute la générosité de vos dispositions. » Je commençai à lire après avoir pris un baiser à l’enchanteresse :

Jucundissimum est in rebus humanis aniari ; sed non minus amare.
Trajani Panegyricum Plinii.

« Que veut dire ce latin ? — C’est un passage du panégyrique de l’empereur Trajan, par Pline le jeune. Cela signifie : « Le plaisir le plus doux de la vie, c’est d’être aimé ; mais il ne l’est pas moins d’aimer aussi. » — Pline a raison… Voyons votre Nouvelle ? »