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LES DEUX CINQUANTENAIRES

Élise est intéressée, elle est raisonnable ; profitez de cette passion pour la déterminer en votre faveur, gagnez son cœur par là ; toutes les autres passions sont le véhicule de celle de l’amour ; employez-les, satisfaites-les, et parvenez au but de vous faire aimer. Abandonnez vos ridicules chimères, vos épreuves extravagantes qui n’auront d’autre effet que de vous rendre malheureux ou de vous couvrir de confusion. Craignez surtout, craignez mon mépris ; il est à votre égard comme un torrent dont les eaux amoncelées sont encore retenues par une forte digue ; mon amitié le contient. Mais ma raison révoltée en légitime et en ramasse les causes.

C’était ainsi, qu’en particulier, Parlis s’occupait de ce qu’il aurait pu dire à son ami ; tandis que d’un autre côté, il lui rendait auprès d’Élise tous les services qu’il pouvait. Ce qui l’y engageait plus fortement encore, c’est qu’à l’instant où il avait cru que son ami pouvait gagner le cœur de la jeune personne, il avait éprouvé un mouvement pénible qui ressemblait beaucoup à de la jalousie ; ce sentiment douloureux s’était comme éteint, lorsqu’il avait vu Élise indisposée contre M. de Blémont : il avait alors repris les vues d’utilité qui l’avaient d’abord déterminé à désirer un établissement avantageux pour elle et une compagne aimable, douce, capable de le rendre heureux à un ami qui lui était cher. Plus l’idée que M. de Blémont ne pouvait plus être aimé se réalisait dans son esprit, plus il désirait de l’unir avec Élise, mouvement naturel d’un cœur qui fait un sacrifice pénible lorsqu’il ne le voit que dans le lointain.

Cependant M. de Blémont rendit une nouvelle visite, sans doute pour réaliser la grande épreuve. Il en dit un mot à Parlis qui ne put l’en dissuader. La mère de la jeune personne, à qui M. de Blémont avait été annoncé comme un parti assuré, laissait aux entretiens de cet homme avec sa fille, toute la liberté qu’il pouvait désirer. Arrivé chez sa maitresse, il lui demanda un tête-à-tête. Élise était tentée de le refuser : mais Parlis lui avait tant dit de bien de M. de Blémont, qu’elle cherchait à se persuader à elle-même, qu’elle s’était trompée et qu’un autre entretien la ferait revenir sur le compte d’un homme, qu’elle désirait d’estimer. Lorsqu’ils furent seuls, la grande épreuve de M. de Blémont