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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/66

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LA DERNIÈRE AVENTURE

parut être d’abord du côté de l’intérêt. Il sonda les dispositions d’Élise à ce sujet. Naturellement franche, la jeune personne avoua, que le premier motif qui l’avait déterminée était la fortune. Elle désirait de se voir un sort assuré, dans le cas où elle viendrait à perdre sa mère. « C’est donc là votre motif ? — Oui, monsieur. — Le goût, l’inclination n’y entrent pour rien ? — Je ne dis pas cela, monsieur ; mais, je suis raisonnable ; mon goût et mon inclination naîtront toujours pour l’homme, dans lequel je verrai le protecteur de ma jeunesse, comme M. Parlis me l’a fait espérer, et l’appui de toute ma vie. — Sans ce motif, vous ne m’épouseriez pas ? — Je ne sais, monsieur, quel autre motif vous désireriez qu’eût une femme en épousant un homme. — Vous êtes fort savante sur ces matières, mademoiselle ! — J’ignore si j’y suis savante, mais pour penser comme je le fais, il ne faut que de la raison. Jeune et sans fortune, si je prenais un homme qui n’en eût pas plus que moi, je serais une charge pour lui, j’augmenterais gratuitement les inconvénients de ma pauvreté ; me faites-vous un crime d’être sensée ? — Je reconnais-là, mademoiselle, les raisonnements de M. Parlis ! — Ce sont les miens, et s’ils ressemblent à ceux de votre ami, j’en suis flattée, car je l’estime beaucoup ; il a un fond de raison qui m’a frappée déjà plus d’une fois. — Quoi qu’il en soit, mademoiselle, je sens que je vous chérirai, si vous le voulez ; vous êtes aimable, charmante… Mais plus vous l’êtes, plus je crains de vous causer de la répugnance. — Je vous le dirais, monsieur, avant de prendre aucun engagement avec vous. — Fort bien ! mais je me défie de votre raison ; elle est si formée, si prudente, si consommée en quelque sorte, que je la crois capable de vous faire aller jusqu’à la dissimulation. Une fois à moi, vous aurez toute ma confiance, mais permettez qu’auparavant je travaille à surmonter tous mes doutes. Vous n’avez pas de répugnance pour moi ? — Le mot seul, monsieur, est fatigant ! — Soit, mais prouvez-moi un autre sentiment qu’exprime un mot plus agréable, dites que vous prendriez du goût pour moi ? — Pour faire naître le goût et le penchant, monsieur, il me semble qu’il est des moyens que