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LA DERNIÈRE AVENTURE

la main de Mlle Élise ; quoique pauvre, je ne manque pas de ressources et je vous en ferai voir de plus d’une espèce. — Je ne m’oppose à rien de ce qui plaît à ma fille, répondit la dame, c’est un homme honnête qui me la demande, et c’est pour elle qu’elle se marie. — Je me donne au mérite, dit alors Élise ; il remplace à mes yeux la jeunesse et la fortune, mais rien, lorsqu’il manque, ne saurait le suppléer. Adieu, monsieur de Blémont, votre exemple et celui de l’époux qui va m’honorer de son alliance, prouveront que l’homme peut être aimé à tout âge, parce que l’attachement qu’il inspire aux femmes honnêtes a des motifs différents du goût que notre sexe fait naître en vous ; une femme, sans les grâces et la beauté, est un être nul, parce que nous devons essentiellement plaire ; au lieu qu’un homme privé des agréments de la jeunesse et de la figure peut encore être tout ce qu’il faut que soit un mari, un protecteur, un guide éclairé, un chef respectable. Vous n’auriez été rien de tout cela pour moi, vous êtes indigne de moi. » En achevant ce discours, elle donna sa main à Parlis, qui la reçut avec transport. Mais leur mariage ne s’accomplit pas. M. de Blémont excité par ce qu’il venait de voir, agit si vivement auprès de son ami, que ce dernier lui céda enfin Élise. M. de Blémont l’épousa, et Parlis plus amoureux qu’il ne le croyait en est mort de douleur…


« Mort de douleur ! », s’écria Sara. « Ah ! monsieur d’Aigremont, vous n’avez pas imaginé sans doute que je me serais donnée à un autre, sachant que vous m’aimez. — Pourquoi non, si c’était votre avantage. » Sara me regarda d’un air de reproche qui signifiait : Ingrat, tu ne me rends pas Justice ! Je me jetai sur sa main, que je baisai. Sara approcha ses lèvres de rose de ma joue, j’en sentis l’impression délicieuse et j’en fus enivré de bonheur…

La vérité du sentiment paraissait dans les regards de Sara et moi, j’étais sous le charme lorsqu’on frappa rudement à ma porte. Comme j’avais une jeune personne chez moi, je courus ouvrir ; c’était la mère de Sara. Elle entra, en tenant une