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Mes Inscripcions.

nette ; qu’à pareil jour, en 1753, j’avais rappelé, à Madelon Baron[1], les précieuses faveurs dont elle m’avait comblé, le 21 janvier précédent. Je fis un retour sur moi-même, je me considéré malade, malheureux en épouse[2]… Mes larmes coulèrent…

Mais, quand je revis cette même date, l’année suivante 1781, je fus bien autrement affecté ! Ma fille se mariait malgré moi[3]. J’étais alors dans les filets de Sara[4] ; des sensacions vives, présentes et très-douloureuses se présentèrent en foule ; je regrettai l’année précédente. Je me disais à moi-même : « Je ne pleurais que de ressouvenir, il y a un an ; aujourd’hui, je pleure ce qui est actuellement. O misérable ! Chaque année t’aporte un nouveau degré de malheur, et le bonheur s’enfuit pour jamais !… » Je n’ai que trop éprouvé, depuis, combien cette quérimonie était vraie !…

Tous les ans j’ai revu cette date avec intérêt et, en 1785, je versai des larmes amères : hélas ! j’étais encore plus malheureux que jamais, au moral comme au fisiq ! Dévoré d’inquiétudes pour mon Paysan et ma Paysane[5], sentant

  1. Maîtresse de Restif à Auxerre. Il songeait à l’épouser quand elle mourut.
  2. Elle se nommait Agnès Lebègue. On verra plus loin qu’elle était en fort mauvais termes avec son mari. Leur divorce fut prononcé en 1794.
  3. Agnès, sa fille aînée, épousa Augé, qu’il appelle l’infâme Augé, quand il ne le traite pas de monstre. Haine, d’ailleurs, très-justifiée.
  4. Sara, fille de son hôtesse de la rue de Bièvre, Lambertine Debée.
  5. À cause de ses démêlés avec la censure et avec la police ; il se croyait toujours sur le point d’être enfermé à la Bastille.