Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/54

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cela dure… Je vis quatre fois, dans un seul instant, au moment actuel, et les trois années précédentes : il y a trois ans, à pareil instant, à pareil jour, j’étais ainsi ! Deux ans, ainsi ! L’an passé, ainsi ! Et aujourd’hui, ai-je perdu, ai-je gagné en bonheur ? J’exprime ma situation par le mot propre. Je compare le tableau, et cette comparaison me fait vivre le temps passé, comme dans le moment présent. Elle empêche, renouvelée, la perte des années écoulées, et qu’au bout d’un temps je ne me sois étranger à moi-même[1]. »

Ses commémorations annuelles sont assurées par un petit travail d’entretien. Par exemple, il écrivait, en 1783, la date du 6 octobre 1785, la visitait de temps en temps, la « rafraîchissait », et, le 6 octobre revenu, il écrivait : « Video tandem ! »

On a dit que la police, émue de la singularité de son occupation, avait fait gratter ses inscriptions, entre autres le nom de la marquise de Montalembert, tracé en caractères hiéroglyphiques (M.n.t.l.m.b.r.t.). Nous n’avons rien trouvé qui justifie cette assertion.

La marquise, femme du lieutenant général d’Angoumois et de Saintonge, avait rencontré Restif dans un dîner chez Lepelletier de Morfontaine, prévôt des marchands. Le soir même, il écrivait sur l’île : « 30 ap. 1784. — Je soupe chez M. Lepelletier avec trois dames, dont était la belle marquise de Montalembert[2]. »

  1. Nuits de Paris, p. 2506.
  2. V. le § 381, p. 86.