Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/103

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vait dit ; mais les raisons qu’ils donnaient ne furent pas à ma portée.

Les années s’accumulent. J’avais huit ans, lorsque 1742 mon père quitta la maison de la porte Là-bas, qui appartenait à mon frère utérin Boujat, pour aller demeurer à la Bretonne, où était un fermier. Je fus ainsi éloigné de M’lo, de toute la longueur du village : car la Bretonne est à la porte Là-haut, et hors des murs, à plus de trois cents pas. Les eaux de la Farge coulaient alors ; ce qui suffisait pour interrompre la communication entre le bourg et moi. Je ne vis plus mon premier camarade ; ce fut Etienne Dumont, fils d’une bru de Christophe Berthier, qui le remplaça[1]. Celui-ci devenu mon plus proche

  1. Marie Disson, bru du respectable maître d’école de mon père, était sage-femme, et de l’honnête famille des Disson d’Auxerre. Son père avait eu le titre de Monsieur Disson, et son frère, quoique devenu paysan, le portait encore. Dans les villages, on nomme simplement par le nom de baptême tous les habitants égaux entre eux : mais tout étranger, qui vient de la ville, est Monsieur de droit : de même, si quelqu’un prospère, qu’il ait une maison plus vaste et couverte de tuiles, une porte cochère, qu’il donne à manger au curé, on le qualifie volontairement de Monsieur, ainsi que ses garçons. On donne plus tard à ses filles le nom de Demoiselles ; il faut pour cela qu’elles portent la robe de chambre : quant à l’épouse, elle est Madame, aussitôt que son mari est Monsieur. Mon père était appelé Monsieur le Lieutenant ma mère, Madame la Lieutenante ; mes frères aînés, tant de père que de mère, au nombre de trois, étaient, les deux premiers abbés, le troisième chirurgien, et par conséquent, Monsieurs naturellement. J’étais, moi, Monsieur Nicolas, par mes rapports avec tous les précédents, et parce que j’étais un peu mieux habillé que les autres petits paysans. Mes sœurs du