Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/104

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voisin, m’inspira des sentiments plus vifs, plus durables. La mère d’Étienne, tant par sa naissance que par son premier mariage avec un Berthier, avait une politesse et un savoir-vivre qui la distinguaient des autres villageoises. Elle me recevait d’une manière engageante, lorsque j’allais prendre son fils, pour aller ensemble à l’école. Fanchon Berthier, fille du premier mari, jolie brune d’environ quatorze ans, m’accueillait encore mieux : tout cela fortifiait mon attachement pour mon nouvel ami. En outre, sa mère était la sage-femme, ou comme disent les paysans, la bonne-mère. On ignore, à Paris, que la bonne-mère est aussi considérée dans nos villages éloignés, où l’on conserve encore les anciennes mœurs, que les Vestales l’étaient à Rome : tout le monde lui marque de la déférence et du respect. On ne l’appelle pas madame du moins cela est rare ; mais aussi jamais on ne l’appelle par son nom, ni par

    premier lit n’étaient cependant encore désignées que par leur noms de baptême, sans doute parce que Marie Dondène, leur mère, n’avait jamais porté la robe de chambre. Tout ceci n’est pas fort important : mais je le dis, parce que tel Parisien, qui n’ignore pas les usages des Iroquois, des Hurons des Anabaquis, ne sait pas un mot de nos usages Français, dans les villages et les campagnes… Une réflexion physique qui me vient, est la facilité avec laquelle on dérange les habitudes de l’homme-enfant ! Semblable aux animaux, il se corrige matériellement comme eux ; il oublie en quelques jours ce qu’il ne voit plus. Il faut convenir que mon second camarade avait une jolie sœur et qu’il était plus aimable que le premier, dont tout le monde me faisait honte auparavant, sans m’en détacher : enfin, que, solus amabam.