Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/120

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moigna de la bonté : elle prenait mon parti, quand on se moquait de mon air agreste, ou qu’on ridiculisait ma naïveté. Un soir, m’ayant vu pleurer, elle vint auprès de moi m’en demander doucement la raison. Je lui répondis : — « C’est que je m’ennuie de mon pays… et puis… de nos mouches à miel ; de mon béliard ;… et puis de mon poirier ;… et puis, de notre enclos ;… et puis d’Etienne Dumont ;… et puis, de mon père et de ma mère ; et que je me déplais ici. — Chez nous ? — Mais, chez mon frère Miché Linard. — Et chez nous ? — Ho, ce n’est pas Sacy ! Je ne me plais qu’à la Bretonne. — D’où vient ? — C’est qu’on n’y voit personne, et que je n’aime pas le monde. — Mais… » (elle souriait de ma naïveté) « est-ce que nous vous déplaisons, mes sœurs et moi ? — Ici,… tout, tout ! — Moi ? » (cette aimable fille me tenait les mains, en me parlant ; je la vis s’attendrir). — « Non, pas vous, » ajoutai-je, en sanglotant. — « Ce pauvre garçon ! » dit Colette à ses sœurs, « si ses parents ne le retirent bientôt, il va mourir ici ! … Car ce Michel Linard est bien insupportable !… »[1] Ha ! lorsque de retour à Sacy, pour y demeurer, je me rappellerai Colette, son souvenir sera plus doux que sa présence ; sa chère image embellira longtemps mes rêveries. Il m’arrivera même deux ou trois fois, le reste de la

  1. Lecteur, cette fille charmante, ce sera Madame Parangon !