Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/161

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mon action. Je fis en même temps rôtir l’alouette au moyen d’une brochette de bois ; je retirai l’oiseau de proie, de ceux qu’on nomme bondrée[1] dans le pays, lorsque je le vis cuit à propos ; j’en mangeai le premier et je partageai le reste aux assistants, qui m’imitèrent. Les trois chiens ne furent pas oubliés, nous leur donnâmes les os et les endroits musculeux ; l’alouette termina la manducation de mon sacrifice. Je conduisis ensuite la troupe à mes poiriers pour achever de la rassasier en lui faisant manger des poires de miel avec du pain blanc. Je pus même leur montrer ma huppe, et j’eus bientôt le bonheur de pouvoir leur dire : « Voilà mon sanglier ! » car le terrible animal revint auprès de la truie. Il effraya tous mes camarades et surtout les jeunes filles. Ce fut alors que je triomphai : j’approchai très prés de l’objet qui les épouvantait, et je fis le Rodomont tant que je voulus : le sanglier, tout occupé de ses amours, ne jugea pas à propos de se déranger pour moi. Cependant Étienne Dumont, plus timide que les jeunes filles, les exhortait à s’ensauver, et il dirigeait doucement ses vaches de trait du côté du Grand-Pré. Je le retins en lui disant que je ferais partir le sanglier quand je voudrais. — « Je veux aussi, » ajoutai-je, « vous montrer mon chevreuil et mon lièvre : mais il ne faut pas faire de bruit ! et peut-être verrez-vous encore mon loup : tenez-vous tranquilles. » On s’assit sur le merger, au

  1. Autour.