Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/169

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tout expliquer. Elle voulait commencer une réprimande : mais je m’aperçus que mon père lui faisait signe de garder le silence. Nous dîmes vêpres le soir : je me fis une étole de papier, etc. Je connus alors la douceur d’avoir la religion qu’on se fait à soi-même, qui est la seule qui parte du cœur. J’arrangeai une chapelle, ou plutôt un reposoir ; mes jeunes sœurs me donnèrent leurs poupées, qu’on leur avait apportées de Paris ; j’en fis des statues, des fétiches, que nous parâmes. Il s’agissait de représenter Dieu : je consultai Jacquot. Il me répondit laconiquement : — « Je ne l’ai jamais vu. » Je réfléchis ; et voici l’idée qui me vint : Dieu est éternel, apparemment comme une roue, ou comme une boule ; car une roue et une boule tournent sans fin… Je pensai que ce devait être là l’emblème de la Divinité. Je choisis une pierre ronde, assez grosse, que je plaçai au milieu de ma chapelle, comme étant le simulacre de Dieu. J’expliquai à mes frères et sœurs, que Dieu était infiniment plus grand ; et voici un raisonnement, qui m’étonne encore aujourd’hui : — « Vous voyez bien le Soleil ? » leur disais-je ; « c’est l’œil droit de Dieu. Vous voyez bien la Lune, qui luira cette nuit, et qui est si loin du Soleil ? c’est son œil gauche. Voyez comme Dieu a le visage large !… Et quant à ce qui est des Étoiles, ce sont les yeux des Anges et des Saints. » Jacquot fut ravi en admiration ! Il assura qu’il n’avait jamais rien entendu de si beau sur Dieu. Il me demanda où