Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/177

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fond silence… Ah ! que les instituteurs des Religions ont un grand avantage sur leurs successeurs ! Seuls ils peuvent exciter l’enthousiasme : les seconds ne parlent qu’à des auditeurs froids et blasés… Jacquot fit bien cuire le corps de la poule, que nous mangeâmes à notre déjeuner… À dater de ce moment, je me plaisais à me faire appeler Abraham par mes frères et sœurs cadets ; mon père était Tharé : les plus jeunes lui donnaient quelquefois ce nom, en lui parlant à lui-même. Il en souriait, pensant qu’en m’entendant sans cesse lire la Bible, ils en retenaient des noms.

Tous les talents, toutes les qualités sont des dons naturels : l’instruction en facilite et en éclaire l’exercice, mais elle ne les donne pas. J’ai dit que je soignais les brebis, mais les agneaux attiraient surtout mon attention ; je parvins à les préserver de la mortalité, assez ordinaire pour ces petits animaux, quand le temps devient froid et qu’on les néglige. Un mot que j’avais entendu dire à Pierre Guerreau, frère ainé de Jacquot, me donna des lumières ; je hachai de la paille et du foin, que je mêlai avec du son, et cette nourriture fortifia les agneaux, ainsi que les brebis allaitantes. En 1745, aucun agneau n’était mort. Les abeilles avaient aussi mes soins. Chaque hiver, il périssait au moins la moitié de nos ruches et presque tous les essaims ; on ne pouvait ainsi réparer la perte des vieilles ruches. J’examinai les causes de ce dépérissement ; le trouvai que c’était les mulots et surtout le froid. Je fis des 4