Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/176

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sacrifice, le lendemain dimanche, pendant la grand’-messe, où nous ne pouvions aller. J’annonçai la cérémonie aux petits frères et sœurs, qui pleuraient de ce qu’on ne les menait pas à l’église, et ils séchèrent leurs larmes. Dès qu’on fut parti, je disposai tout pour mon sacrifice. Un gros rochon, roulé prés de la fenêtre où était ma chapelle, nous servit d’autel ; le bois et la victime, préparés par Jacquot, y furent arrangés. Je prédis gravement, qu’au Dieu-de-la-Messe ou lever-Dieu, le feu descendrait sur mon autel, et cuirait la victime. Je lus le passage du sacrifice d’Élie. Je fis l’eau bénite ; ensuite la procession dans le champ derrière le jardin où était la chapelle ; nous portâmes notre arche, qui était une boîte assez jolie, ornée de rubans. Chacun portait sa statue, mais la Pierre ronde, image de Dieu, restait en place. Après la procession, je dis la messe jusqu’à la consécration. C’était l’instant marqué pour que le feu du ciel descendit sur le bois, qui n’était que de broutilles. Jacquot, qui voulait avoir part au miracle, s’était caché pour battre son briquet ; il alluma sa tige soufrée, et tandis que je récitais dans la Bible la prière d’Élie-Thesbite, il mit adroitement le feu aux broutilles, en se cachant derrière le rochon. Je vis l’adresse de Jacquot, mais, tout prêtre veut fourber ou profiter de la fourberie des autres : mon petit peuple crut au miracle, et je jouis de son respect. Il fallait voir son recueillement ! À l’église, cela jouait, causait ou criait : ici, tous priaient ou gardaient un respectueux et pro-