Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/184

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arrivait pas chez nous, ni à Vermenton, où il était en pension cet été. » Elle me fit cependant de graves représentations. Mais à quoi tout cela servait-il ? La crainte même de l’incongruité la rendait plus fréquente… Je ne me serais pas arrêté à cette puérilité, si elle ne devait pas amener une de ces aventures qui font époque dans la vie.

Barbier, ce grand pensionnaire si vanté par Nannette, arriva enfin. Le grand lit où j’étais devait être occupé par nous deux. La chose la plus pressée qu’eut à lui dire Nannette, après les premiers compliments, ce fut qu’il allait coucher avec un pissenlit. À ce mot. Barbier, surpris, me regarda : « Ça n’est pas possible ! … » (je crois le voir encore.) « Ah ! parbleu, nous verrons ça. » Je rougis, en baissant la vue ; je n’eus plus faim, et je ne pus déjeuner. Le grand Barbier m’avait déplu avant son arrivée ; il m’effrayait depuis que je le voyais. Après son déjeuner, il entra dans la classe et se mit à causer avec les demoiselles Garnier, filles du bailli, les demoiselles Barbier et Mlle Mouchou, fille fort riche, qui me faisait beaucoup d’amitiés auparavant. J’avais les larmes aux yeux. Julie Barbier me demanda ce que j’avais ? Mon condisciple se hâta de prendre la parole : « Il a pissé au lit. » Un grand éclat de rire partit de tous côtés ! J’aurais voulu pouvoir m’anéantir. Moi, qui faisais le grand garçon ! moi, l’oracle de Sacy, moi, déjà père, être bafoué à Joux, pour un des premiers défauts de l’enfance !… Mlle Julie Barbier, l’aînée, qui n’était point la parente