Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mon condisciple, avait l’âme douce, sensible ; elle lisait même déjà des romans ; Julie vint auprès de moi, elle essuya mes larmes avec son blanc mouchoir, en me représentant que ce défaut passager ne m’ôtait rien ; elle gronda Barbier : « Que vous êtes dur ! Vous voyez bien que c’est un défaut involontaire, et qu’il en est plus peiné que vous. Ne vous désolez pas, Monsieur Nicolas ! ce n’est pas là un vice ; on se corrige plus tôt et plus sûrement de votre petit défaut, qui vous rend plus intéressant à mes yeux, que de ceux de Monsieur » (désignant Barbier). « Vous lisez bien ; vous calculez facilement ; et » (ajouta-t-elle tout bas) « pour savoir ce que vaut celui qui vous traite avec tant d’impolitesse, il le faut entendre ». Ces dernières paroles adoucirent ma situation : je remerciai l’aimable fille et je souris ; elle me frappa deux ou trois fois sur la joue, de sa main douce, et je me trouvai presque heureux. Cependant le maître parut, et tout le monde étudia.

Barbier lut le premier. Il ânonnait. Julie, qui était à côté de moi, à la table à écrire, me touchait du coude, à chaque mot mal lu. Vint mon tour de lire mon parchemin gothique : j’allai rapidement et sans broncher, mais à la manière de Sacy, prescrite par Messire Antoine Foudriat ; c’est-à-dire que je disais, comme tout le monde, ils étaient, ils achetaient ; ce qui surprit tous les écoliers, qui auraient prononcé : ils estoient, ils acheptoient. Mais le maître ne me dit rien. Je revins fièrement à ma place. Bar-