Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/186

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bier me regardait avec une admiration stupide, et moi, de ce moment, je me sentis tant de supériorité sur lui, malgré mon infirmité, qu’il ne fut plus capable de m’inspirer de la honte. Julie lut après moi : je fus surpris de l’entendre lire autrement qu’elle ne parlait ! elle prononçait, comme s’obstinent à écrire les routiniers, j’adorois, en donnant à la dernière syllabe le son du mot rois. Christophe Berthier vit ma surprise, il me dit : « Nicolas, autrefois tout le monde prononçait comme on lit encore dans ma classe ; j’ai préféré de laisser lire la jeunesse comme on ne parle plus, à lui donner des règles embarrassantes et contradictoires : l’essentiel est qu’on apprenne à lire par des principes sûrs, non compliqués ; ce qui se trouve contre l’usage se corrige bien vite en fréquentant le monde. Et quand on ne s’en corrigerait pas ; et quand un homme lirait ses prières et les titres de ses biens comme il a lu chez moi, quel tort cela lui ferait-il ? Il vaut mieux épargner de la peine à mes écoliers, que de leur laisser voir une bizarrerie dans notre orthographe, pour leur donner une perfection inutile. Lisez comme vous avez coutume : ceux et celles qui voudront vous imiter le peuvent, mais je n’en ferai une loi à personne. » Je suis encore étonné aujourd’hui de la justesse de ces idées dans un maître d’école de campagne !

On fit ensuite des règles sur le papier et par jetons, à la manière des Romains, qui comptaient