Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/190

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quoique le lit fût assez grand pour que je ne l’incommodasse pas, en mettant tout au pis. Il en dit tant, qu’à la fin Joson, la bonté même, consentit qu’on me fît un lit à part. — « Non ! » répondit Barbier, « qu’il reste là, ce Fleurisson jaune ; c’est moi qui prendrai le lit à part. — Il faudra donc que mon père ni ma mère n’en sachent rien ? » (dit tout bas Nannette). — « Eh bien, ils ne le sauront pas ! » reprit Joson. — « Voyez pourtant ! » dit alors Nannette, de ce ton fâché bien aise, qui allait si bien à sa figure, « comme ce… comment donc l’appelez-vous, Monsieur Barbier ? » (et elle rit très fort). — « Fleurisson jaune », dit-il. « Comme ce Fleurisson-jaune là est incommode !… Si j’avais dit à mon père les choses comme elles sont, il aurait eu le fouet. » Ah ! pensai-je, elle est pourtant bonne ! elle n’a pas dit tout ce qu’elle pouvait dire. Le lendemain soir Joson et Nannette firent un lit à part pour Barbier, sur une longue table, environnée de chaises, et on ne me laissa que la paillasse, un drap et une couverture. Je n’en fus pas fâché ; car dés que je n’eus plus de lit à gâter et que je ne craignis plus rien, je n’eus plus d’échappée. Tout le monde était donc content, excepté Joson, parce qu’elle croyait que je ne l’étais pas. Lorsqu’elle me crut endormi, parce que je feignis de ronfler, elle dit à sa sœur : — « J’aimerais mieux perdre un lit que de voir un jeune homme délicat comme celui-là aussi mal couché ! On voit qu’il se