Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/191

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déplaît ici ; à peine mange-t-il ! Cela me fait peine ! — « Bon, bon, » dit Nannette, « c’est assez bon pour lui ! Il ne s’ennuie pas, sa Julie Barbier l’en préserve ; et quant à ce qu’il ne mange pas, cela m’inquiéterait, si je ne le voyais toute la journée croquer des chatteries avec elle. Je suis bien aise qu’elle sache que c’est un pissenlit à fleuron jaune. » Elle éclata de rire. — « Bon ! » dit mon camarade, « elle le sait et ne lui en fait que plus d’amitiés. — Oh ! je la reconnais-là ! » reprit Nannette ; « c’est la consolatrice des malencontreux. — Il est bien doux, ma sœur ! » dit Joson, « voilà pourquoi on l’aime ; car moi, je l’aime beaucoup ! et M. Lemoine » (d’Oudun ; c’était son futur qui était venu deux fois à la maison, depuis que j’y étais, « dit que c’est un enfant plein d’esprit. — Lui ! de l’esprit ! » s’écria Nannette, il l’a donc laissée au Puits-Babillard[1], quand il est venu à Joux. Il est honteux pour nous ; il ne cause qu’avec sa doucereuse Julie. — La timidité marque de l’esprit, ma sœur, » observa Joson ; « tu l’as souvent entendu dire à mon père ; et que les hardis font quasi toujours des bêtes. Mon frère aîné, qui est à Noyers, était timide comme cela, et il a beaucoup d’esprit ! Le cadet, qui est à Vézelay, n’en a pas la moitié autant, et tu sais comme il était hardi ! »

  1. Petite fontaine, sans doute ainsi nommée du babil des femmes qui vont y laver.