Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/201

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je trouvai que la nature avait été trop loin, et ce fut peut-être ma laideur qui m’empêcha de chercher à revoir Julie Barbier ; outre que je n’aurais osé me remontrer chez mon maître : il avait écrit à mon père une lettre fort sèche, qui les refroidit.

L’été suivant, ma santé se trouva merveilleusement fortifiée. Je lus, j’écrivis. Je fus tellement enflammé par la lecture des Vies des Saints, que j’aurais voulu pouvoir aller en Turquie, afin d’y être martyr. Pour achever de me distraire, les moissons étant venues, Jacquot les voulut gagner. C’est un avantage pour les pauvres, que la moisson ; ils sont payés en blé, et elle leur procure la faculté de subsister une partie de l’hiver. Mon père accorda la demande de son berger, et se ressouvint d’une veuve de Nitry, un peu sa parente, qui avait deux fils, d’un mauvais mariage avec un nommé Courtcou. Il se proposa de lui en demander un pour être berger. Mais les deux frères étaient alors en service, l’un à Marsangis, l’autre à Coutarnoux, et il fallait attendre un mois pour avoir le plus tôt libre. Ce fut avec transport que j’appris l’heureuse nouvelle que j’allais encore être berger !

Je m’éveillai dès le matin et je me disposai à Seconde bergerie.partir à la rosée. Comme le chemin de mon vallon m’était fermé par les champs non déblavés, je n’avais pour pâturages que les sombres ou jachères de Maurepos, Côte-Grêle ou la Creuse, avec les Prés-des-Rôs. C’était là qu’était un vieux pommier sauvage conservé religieusement par les propriétaires. Ô