Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/224

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car, par un mot, il en faisait entendre cent ; ce que je ne puis, n’ayant pas son esprit. Et jamais je ne m’en suis fait accroire pour l’esprit ; car j’ai eu de bons parents, qui m’ont apprécié moi-même à moi-même : tel est M. Jean Restif de Noyers, avocat, chez lequel j’ai appris ce que je sais de pratique qui me sert aujourd’hui à juger nos habitants, et qui m’attire la confiance et la considération des environs ; car M. l’avocat Restif voyant que je n’avais pas beaucoup d’esprit, il s’attacha uniquement à me rendre le sens droit. Et il ne me le mâcha pas un jour, que j’allais seul avec lui, de chez mon père à Noyers :

— Edm’lot, me dit il, je t’aime, tu le sais, et parce que tu es mon parent, fils d’un homme de mérite et d’une digne femme, et parce que tu portes mon nom, et surtout parce que tu es d’un bon caractère : c’est pourquoi je vais te parler net et franc. Vous êtes chez moi deux de mes cousins, Daiguesmortes, et toi, que j’aime également, encore que Daiguesmortes soit mon cousin germain, et que tu ne sois qu’issu de germain ; mais le même nom est plus qu’un degré de proximité. Je te dirai donc que Daiguesmortes a de l’esprit, et qu’il ira loin un jour ! et que tu n’en as point, toi ; et ton père en est fort chagrin !… car il en a, lui, autant qu’homme peut en avoir. Mais tu es bon, tu as du bon sens : ce qui fait qu’en manquant d’esprit, tu n’en seras ni moins heureux, ni moins estimé ; car tu as une droiture