Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/227

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tion bizarre ne se plaisait qu’à des contes du genre des Visions de Quevedo[1] !

Mais quelque libres que fussent les contes de François Courtcou, jamais il n’alla aussi loin que son frère Pierre, qui lui succéda au bout d’un mois. Je crois qu’on ne renvoya François que pour sa négligence dans son devoir de berger ; car les brebis dépérissaient entre ses mains. Lorsque je ne l’accompagnais pas, il menait le troupeau dans de maigres prés, sans se donner la peine de monter jusqu’à mon vallon, se couchait et dormait. On le remplaça par son frère, qu’on savait beaucoup plus actif ; et ce n’était pas en cela qu’on se trompait sur son compte.

Jamais, peut-être, il ne fut de plus mauvais sujet que Pierre Courtcou, ni qui sût mieux déguiser ses vices ; mais son air sournois, son regard ardent, craintif et méchant tout ensemble, étaient vrais, et indiquaient la laideur de son âme. Il déplut à ma mère, dés qu’elle le vit ; elle défendit de me familiariser avec ce garçon. Mais le fourbe ne tarda pas à gagner ses bonnes grâces, par une grande activité,

  1. Je n’ai rien dit de ce Jean Vezinier, naturellement mécanicien, qui le premier me parla de se faire des ailes pour voler à la manière des pises (jeunes poules de l’année). Son conte des Morats, ou petits enfants de la Mort, qu’il me fit dans sa grange, lorsque j’avais environ cinq ans, était d’une imagination bizarre ! La Mort, leur mère, au lieu de soupe et de bouillie, leur donnait des fricassées de terre, du pain fait de terre, etc.