Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/226

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me faire désirer de voir cette grande ville), et nous arrivâmes à nuit close.

Je ne crois pas qu’il y ait d’exemple d’une pareille confidence paternelle : c’est un des plus beaux traits de la vie de mon père, et un de ses titres les plus forts à mon immortelle reconnaissance.

Le lendemain de la fête de Nitry, j’accompagnai encore François aux champs. Je m’attachais à ce garçon, non par amitié, comme à Jacquot ; mais par curiosité, par une sorte de goût commençant pour ses discours libres, qui chatouillaient en moi ce que les dévots appellent la concupiscence. Il entremêlait ces récits obscènes, des contes qu’il m’avait annoncés ; mais il les ramenait toujours par quelque chose à son objet favori, la lubricité. Ainsi les sorciers n’exerçaient leurs sortilèges, que pour se faire suivre par des filles au milieu des bois, où elles satisfaisaient la lubricité du magicien. S’il me racontait la fable d’un sabbat, il m’y traçait les révoltantes peintures de la plus crapuleuse débauche. S’il s’agissait d’un excommunié qui avait la peau du Diable, ce malheureux s’assouvissait sur les plus jolies filles. Mais où il se délectait, c’était dans les contes de voleurs qui avaient des cavernes, où ils emmenaient des dames, prises en carrosse sur le grand chemin, ou dans leurs châteaux ! il me faisait alors des tableaux qui avaient autant d’esprit que de libertinage. Quelle différence de sa manière de raconter avec celle de Jacquot, simple bonasse, contant pour conter ; ou avec celle de Jean Vezinier, dont l’imagina-