Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/60

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naissance acquise, scruter, développer, communiquer le sentir, c’est-à-dire, le plaisir avec la peine procurés par cette connaissance nouvelle ; moi seul je pouvais exprimer, d’après mon sentir, comment elle nullifiait l’avantage par l’inconvénient. Ainsi convaincu de ce que je puis et dois faire, je m’immole à votre instruction, mon Lecteur ; je vais payer de ma plume et de ma personne : heureux si, en sacrifiant ce que les hommes ont de plus cher, les faiblesses favorites, les défauts privilégiés, certains vices caressés, dont on rougit d’autant plus qu’on les chérit davantage, heureux, si je suis dédommagé de cette exécution militaire sur mes imperfections, par les lumières qu’elle répandra sur la morale !… Toujours les plaisirs sont compensés par des peines, et les peines par des plaisirs ! — « Raconte-moi tes plaisirs, je te ferai l’histoire de tes peines, » disait mon père.

Il ajoutait : « Adorons la justice éternelle de la Nature : si la vie était un bien absolument pur, la mort serait une calamité sans mélange, et l’arbre, ou l’animal le plus stupide, auraient sort plus heureux que l’homme ; ils vivent tranquilles, et meurent sans le savoir[1].

  1. Heureux état d’innocence ! où l’homme, sans expérience et sans lumière, ignorait la mort, ou ne la connais-