Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/65

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par conséquent, Vainqueur, ou Dominateur des Peuples.

Ma mère réunissait au même degré la vivacité de l’esprit, la bonté du cœur, et la beauté du corps. Quoique blonde, elle était vive jusqu’à la pétulance ; mais elle savait se réprimer jusqu’à la douceur et la complaisance jamais démenties. Mon père avait également travaillé sur lui-même : il était irascible, et se montrait le plus doux des hommes ; mais il était ardent au travail, et dans toutes les occupations utiles. Je fus ainsi formé de trois parties de feu, sur une des autres éléments ; à en juger par les passions extrêmes, l’amour, l’audace, la crainte, l’impatience, la colère, l’indignation, le zèle, la compassion, qui toutes eurent en moi une inconcevable énergie. Je fus sans doute conçu dans un embrassement chaud, qui me donna la base de mon caractère : s’il eût été accompagné de dispositions vicieuses, j’étais un monstre ; la preuve de la pureté du cœur de mes parents, c’est ma candeur native… Pour achever d’embraser mon sang, et mon caractère, j’eus pour nourrice la femme la plus tempéramenteuse du canton (car ma mère ne put m’allaiter ; mon père s’y opposa, sans doute par de bonnes raisons). La bonne Lolive, femme Lemoine, sevra sa fille Nannette, déjà forte, en me recevant : mais cette chère femme ne put résister aux désirs de son mari, contraints depuis dix-huit mois ; on se crut obligé de me sevrer à six… Mon tempérament en a souffert ; mais je n’en veux pas à ma nourrice ; elle