Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/66

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m’a toujours si tendrement aimé, que je serais un ingrat, si je manquais au respect dû à ma seconde mère !

Je fus porté à la messe de minuit, ma première année, par une idée superstitieuse de mes sœurs, qui, par là, me voulaient mettre immédiatement sous la protection de l’Enfant Jésus. Leur intention était bonne ; car elles m’aimaient, à cause de ma beauté[1].

J’avais neuf mois, quand on me porta chez 1735M. Collet, ami de mon père, et notaire à Vermenton, au beau dimanche de la fête patronale, c’est la mi-Août. On dit que deux petites filles, l’une de cinq ans, l’autre de trois ans et demi, s’y disputèrent vivement le titre de ma femme ! On me les a nommées depuis, et c’est une bien grande singularité[2] ! je n’ai pas été leur mari ; mais je les ai adorées toutes deux.

Le premier trait de mon enfance, qui me soit 1736resté dans la mémoire, est de la fin de ma deuxième

  1. Je crois devoir dire bonnement ici, ce qu’on m’a répété souvent, que j’étais le plus bel enfant qu’on eût jamais vu : c’est l’ordinaire, pour les jeunes gens qui ont de grands traits à l’Italienne : ils sont beaux jusqu’à l’adolescence. J’ajouterai que l’effet de la dévotion de mes sœurs, blâmée hautement par Messire Antoine Foudriat, fut de me donner des coliques, dont j’ai cruellement souffert, jusqu’à l’âge de onze à douze ans !
  2. Colette Collet avait cinq ans ; Jeannette Rousseau, fille du notaire de Courgis, où depuis mon frère a été curé, trois et demi.