Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/80

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destructeur : je paraissais peu sensible aux attentions de ma mère ; je repoussais ses caresses[1], que je recevais forcément et avec impatience. Ce fut ce que Barbe Ferlet opposa aux pronostics de mon grand-pére ; elle s’affligeait de ces dispositions, et versa des larmes… — « Vous voyez que cet enfant a de grands défauts ? — Oui, oui ! Il est pétulant, opiniâtre, aimant à détruire. Je sais qu’il prend à la maison tout ce qu’il peut, pour donner à ses camarades ; que vous êtes obligée de le corriger avec une sorte de sévérité, à cause des premiers enfants, qui cependant vous en blâment ; que souventefois ils intercèdent pour le petit coupable, qui les paie d’ingratitude ; mais que tel est le faible pour cet enfant, à cause de sa délicatesse de traits, qu’ils ne l’aiment ni choient moins alors

  1. Je n’ai jamais pu souffrir d’autres caresses que celles de l’amour : les caresses de la nature ou de l’amitié m’étaient insupportables. C’était par d’autres moyens que je voulais prouver et la piété filiale, et l’attachement d’ami. Tout entier à l’amour, même avant la faculté, même après (car je ne suis presque plus en 1793), cette passion seule aurait pu me civiliser, comme elle a sans doute civilisé l’Espèce humaine, qui tient si récemment le sceptre sur ce globe ; seule elle pourrait adoucir les chagrins cuisants du soir de ma vie… On verra cependant bientôt que je fuyais les grandes filles qui voulaient m’embrasser. C’est que, devenu sauvage, je fuyais ce qui me faisait plaisir ; c’est que les filles mettaient de la contrainte dans cette caresse. La preuve, c’est que, dans ce même temps, j’embrassais à la dérobée la jeune Marie Fouard, et la jeune Madeleine Piôt, cousine, et que je faisais plus encore. C’était par cet éloignement des caresses que je tenais à la nature mâle : les mignardises enfantines me paraissaient faites pour les efféminés.