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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/167

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vis-à-vis mon vallon, que je n’avais pas le temps de visiter, je déchirai tous les feuillets de mon cahier, mais assez négligemment, ne craignant rien des paysans qui pouvaient passer là, puisque c’était du Latin. Mais, par un effet du hasard, Messire Antoine Foudriat était allé ce jour même dîner chez son confrère et voisin le curé de Joux ; il revenait après moi, trouva les feuillets déchirés, les ramassa, les réunit, et en lut une partie. J’appris cette nouvelle le lendemain. J’en fus désolé ! mais ayant été le matin, en tremblant, voir le curé, il me dit : « Je suis indulgent ; je ne vous donnerai qu’un seul avis : une autre fois, vous brûlerez ce que vous ne voudrez pas qui soit vu. » Et il brûla, en ma présence, sans le relire, tout ce qu’il avait ramassé. J’eus par là une idée de la vraie politesse, car je sentis que je quittais mon curé content.

Les commissions dont j’étais chargé demandaient que je m’en retournasse par Vermenton. En chemin, je rêvai à Jeannette, à Marguerite, à Marianne, à toutes les Belles de la paroisse de mon frère. Il me vint en idée de célébrer leurs attraits et mes désirs, par des vers Français, dont j’ignorais le mécanisme. Je n’en avais encore jamais vu d’autres, que les Cantiques spirituels de M. de Sacy, vers très plats et sans verve, qui étant presque tous de huit syllabes et au dessous, ne m’avaient donné aucune idée de la césure… J’arrivai à Vermenton rempli de ces idées. J’entrai chez mon beau-frère Miche Linard, pour qu’il m’apprît les demeures que j’ignorais. Il me