Page:Retté - Arabesques, 1899.djvu/196

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qu’elle embrasse l’âme de l’humanité entière. Il faut sentir battre son cœur selon le cœur de tous les opprimés. Il faut, enfin, nier l’Autorité sous quelque déguisement qu’elle se présente.

Car la Justice ne souffre pas qu’on la restreigne. Ce n’est pas du haut d’un tribunal, par la bouche d’un homme faillible comme nous, qu’elle peut s’exprimer. Elle n’admet ni atténuations ni compromis. Du jour où l’on tente de l’accommoder à une tactique, du jour où elle cesse d’être l’idéal pour devenir le thème ampoulé sur lequel la faconde de rhéteurs ambitieux brode de tonitruantes variations, elle perd toute vertu. Or pour qu’elle triomphe dans l’avenir, il est bon que quelques-uns, fussent-ils une poignée, ne cessent de l’affirmer, en toute sa pureté, à la face de l’univers.

La Justice n’habite pas un paradis chimérique où monteraient la rejoindre, après leur mort, ceux qui, de leur vivant, l’attestèrent. La Justice n’a rien de surhumain. Acceptant les hommes tels qu’ils sont, elle se propose seulement d’équilibrer en eux les instincts égoïstes et les instincts sociables, de façon que chacun confonde son propre intérêt avec l’intérêt commun, de façon que la peine d’un seul soit ressentie par tous et aussi sa joie. Nul décret, nulle Bible, nul