L’hi I’ay eu de la peine vrayement pour la longueur
du chemin, & diuerſité des Regions, par où
il m’a conuenu paſſ er. Mais la gayeté de cœur, de
laquelle i’ay marché, m’a fait trouuer tout le labeur
facile : Quant aux dangers, tu ſcay bien que
celuy pour lequel ie marchois eſt bon & fort pour
garder ceux qui ſe retirent en ſa garde : auſsi m’a-il
tellement garanty que les dangers ne m’ont approché
que de bien loin. Le plus d’ennuy que i’ay
ſenty, c’à eſt é (afin que ie n’en diſsimule rien) les
Karhous & autres inſolences ou lon m’a voulu cõtraindre
d’entrer par pluſieurs fois en trauerſant
les Allemagnes : Les coups de coude pareillemẽt
& les brocards de Franche dogues, dont les Anglois
vſent ſouuent, conioints auec la vaine & ſuperbe
contenance, & autres deſbauches qu’on
voit en Angleterre, m’ont merueilleuſement
offenſé.
Le pol. Il y auoit aſſ ez dequoy ſe faſcher : mais l’ennuy
ſeroit grand au double, ſi ces ſottiſes eſt oyẽt
pratiquees par quelques Chreſt iens & gens de
marque. Et ie me doute bien que les Karhous Allemans
ne ſe trouuent que parmi quelques vieux
yurongnes Papiſt es, és tauernes & hoſt elleries où
il ſeroit biẽ aiſé de ſe faire ſeruir à part pour fuyr
la violence de ces Sacs-à vin. Quant aux cours
des Princes & Seigneurs Proteſt ans, où tu auois
le plus affaire, ie m’aſſ eure que tu n’y as rien veu
de ſemblable, ny pareillement parmi les Anglois
de bonne eſt offe (ſi leur contenance ne trompe
mon iugement) rien que courtoiſie & douceur,
accompagnee de toute modeſt ie.