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D I A L O G V EI I.

ſte, qu’il le prioit de ne luy parler point du baſ‍t, que c’eſ‍toit le meſ‍tier des aſnes, qu’on en trouueroit bien vn autre, qui vaudroit trop mieux que Martin : mais, le maiſ‍tre, ne voulant prendre ces raiſons en payement, ayant attaché le cheual à vn arbre, & retiré le baſ‍t, & les balles du bourbier, auec vn regret indicible de la mort du poures Martin, chargea le tout, à l’aide de quelques paſ‍ſans, ſur le dos du ſeigneur Cheual : lequel, ſe rauiſant bien tard, de la faute qu’il auoit faite, refuſant d’aider à Martin, regretta tout le reſ‍te de ſa vie, la mort du bon poure Baudet.

Lepol. Ie t’aſ‍ſeure, que voila vne fable autant à propos, que nul autre qu’on euſ‍t peu forger de ce temps. Hé qu’il fut bien employé à ce vilain, & cruel cheual, de luy charger le tout deſ‍ſus.

L’hi.Il le confeſ‍ſoit bien luy meſmes, & qu’il en pouuoit (ce dit la fable) eſchapper à meilleur marché, s’il eut eſ‍té bien auiſé, ou ſi la compaſsion de l’aſne, luy fuſ‍t peu entrer dans le cœur : mais c’eſ‍toit trop tard.

Le pol. Il eſ‍toit du naturel de ceux, qui ſont ſages apres le coup, il auoit apprins des François, à ne cognoiſ‍tre point ſa faute, qu’alors que le remede eſ‍toit loin.

L’hi. Ainſi donc, cõme ie t’ay dit, pour retourner à mon propos, ces bõs Princes, & Seigneurs, trouuoyent ceſ‍te fable de fort bon gouſ‍t, & recognoiſſoyent facilement, que c’eſ‍toit vne pierre, que ie iettois en leur iardin. ie paſ‍ſay encore plus outre : Ie leur dis, tout ce que Daniel auoit auiſé eſ‍tre

bon de faire, pour les vnir & liguer en vn corps,

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