Page:Reveille-matin des François, 1574.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
D I A L O G V EI I.

nemis, mais certes bien de l’ennemy, & de celuy que vous faites ſi grãd, qu'il eſ‍t, pour lequel vous allez ſi courageuſement à la guerre, pour la grandeur duquel ne refuſez point de mettre à la mort vos perſonnes. Celuy qui vous maiſ‍triſe tant, n’a que deux yeux, n'a que deux mains, n'a qu'vn corps, & n’a autre choſe, que ce qu'a le moindre hõme du grand & infiny nõbre de vos villes. Sinon qu’il a plus que vous tous, vn cœur deſloyal, felon, & l'auantage, que vous luy donnez pour vous deſ‍truire, d'où a-il pris tant d'yeux, dont il vous eſpie? ſi vous ne les luy baillez. Comment a-il tant de mains pour vous frapper ? s’il ne les prent de vous : les pieds, dont il foule vos citez, d’où les a-il, s'ils ne ſont des voſ‍tres ? Comment a-il aucun pouuoir ſur vous, que par vous ? comment vous oſeroit-il courir ſus, s’il n’auoit intelligence auec vous ? que vous pourroit-il faire, ſi vous n'eſ‍tiez recelateurs du larrõ qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue, & traiſ‍tres à vous meſmes.
Vous ſemez vos fruic‍ts, afin qu’il en face deſgaſ‍t, vous meublez & rempliſ‍ſez vos maiſons pour fournir à ſes pilleries & volleries, vous nourriſ‍ſez vos filles, afin qu’il ait dequoy raſ‍ſaſier ſa luxure : vous nourriſ‍ſez vos enfans, afin que pour le mieux qu’il leur ſcauroit faire, qu'il les mene en ſes guerres, qu'il les conduiſe à la boucherie, qu'il les face les miniſ‍tres de ſes conuoitiſes, les executeurs de ſes vengeances, & bourreaux des conſciences de vos concitoyens : vous rompez à la peine vos perſonnes, afin qu'il ſe puiſ‍ſe mig-