Ali. Ie me reſiouy grandement de te voir ainſi
conſtamment perſeuerer (quoy qu’il t’aduiene)
en mon amitié : de ma part, ne doute point que ie
ne te rende la pareille, & à la fin des douceurs (ſi
tu pourſuy) nompareilles. Quãt à ces aigreurs
paſſageres que mes amis ſouffrent le plus ſouuent,
tu ſcais que la faute (que le mõde qui me hait fait
contre moy & les miens) ne me peut eſt re
imputée, auſsi peu qu’au bon vin, le blaſme que l’homme
par ſon intemperãce s’acquiert. Mais pour ce
que ceſt e matiere requiert plus long diſcours, &
que ie ſcay que tu es bien reſolu de ce qu’il en faut
croire, attendant que nous en puiſsiõs parler plus
amplement au benefice commun des ignorans : il
vaut mieux que l’Hiſt oriographe nous die
maintenant tout haut, afin que ceux cy l’entendent, ce
qu’il a recueilly & appris de tes miſeres &
diſgraces. Nous veux-tu pas faire ce plaiſir, mon
compagnon ?
Hiſt . Ie ſuis ſi grand amy de la verité, Madame,
que combien que ie ne vous cognoiſſ e point, &
qu’au récit de telle tragœdie, voire au ſeul
ſouuenir ie ſente tous mes ſens fremir, & iuſqu’au poil
s’heriſſ onner : ſi ſuis-ie content de dire ſinceremẽt
ce que i’en ſcay, à la charge que mon compagnon
le Politique m’y aidera, adiouſt ant ce que ie
pourroy’ oublier par meſgarde, & retrenchant ce qu’il
cuidera de trop dict .
Ali. C’eſt bien auiſe. Que t’en ſemble ſeigneur
Politique ?
Pol. I’en ſuis contẽt : & d’autrepart marry, d’ouyr
refreſchir la memoire de ce que, pour l’honneur