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AU PAYS DES KANGAROUS

fallait se retirer ou avancer, deux indigènes se montrèrent à eux venant du côté du fleuve ; mais à peine eurent-ils vu les visages blancs, qu’ils s’enfuirent en rebroussant chemin.

« Préparons-nous à repousser une attaque, observa Arthur ; mais auparavant abordons les noirs avec des témoignages d’amitié, nous allons nous placer tous sur une même ligne et prendre des airs fanfarons, des façons de matamores. »

Des cris aigus se firent bientôt entendre, et tout à coup nos jeunes gens virent devant eux une foule d’indigènes armés d’arcs, de flèches et de casse-tête. Ils paraissaient très irrités, quoique leur corps ne fut pas peint comme il l’est quand les sauvages vont en guerre.

Arthur, ayant coupé une branche verte, leur adressa des signes amicaux et continua à s’avancer, suivi de ses amis. Pendant quelques minutes les noirs parurent stupéfaits de tant d’audace ; mais tout à coup ils hurlèrent de nouveau et brandirent leurs armes comme pour s’en servir.

Les « visages blancs » ne se laissèrent pas décourager dans leurs intentions pacifiques ; ils avancèrent encore jusqu’au moment où une flèche vint blesser Wilkins à l’épaule.

Le convict s’élança alors en poussant un terrible blasphème ; brandissant une massue qu’il tenait à la main, il atteignit à la tête le sauvage qui l’avait blessé et l’étendit mort sur place.

Ces indigènes, criant toujours à pleins poumons, lancèrent une grêle de flèches : deux d’entre eux saisirent Wilkins par les bras ; mais celui-ci parvint à les repousser comme il l’eut pu faire de deux enfants, tandis que les jeunes voyageurs, ses camarades de danger, ripostaient aux attaques des noirs par une volée de flèches bien dirigées.

À ce moment-là, Wilkins, qui était rentré dans les rangs, s’écria :

« Le fusil, le fusil, vous dis-je, ou nous sommes perdus ! »

Il n’y avait pas à hésiter un seul moment ; Arthur déchargea un des canons de son arme, de façon que le coup passât par-dessus la tête des assaillants ; mais au même instant un sauvage, sautant, suivant l’usage, reçut en pleine tête la balle de plomb et tomba mort dans les bras de ses compagnons, qui l’emportèrent en poussant des cris terribles ; et les autres sauvages se dispersèrent, sans oublier le cadavre de leur ami atteint par la massue de Wilkins.

Les vainqueurs suivaient des yeux les indigènes, qui, se frayant un passage à travers les mangliers, en amont de la rivière, s’enfuirent vers les montagnes dans la direction du nord, convaincus sans doute que là seulement ils se trouveraient en sûreté.

Arthur s’aperçut alors que Wilkins avait toujours la flèche dans la plaie, et que le sang en découlait ; Hugues avait eu la main assez sérieusement écorchée par un des projectiles des sauvages, et Gérald arrachait de son chapeau de joncs, tressé par Marguerite, une nuée de flèches qui avait arraché son couvre-chef de dessus sa tête, sans le blesser pourtant en aucune façon.

« Marguerite sera fière de son œuvre quand elle saura que son « casque » m’a si bien préservé des coups de nos ennemis.