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AU PAYS DES KANGAROUS

habitées par les convicts échappés et y entreprendre quelque chose, toujours contre la société des gens honnêtes.

— C’est une méchante vie que celle-là, Wilkins, répliqua Max Mayburn. Dieu merci, vous ne songez plus à suivre un aussi fatal exemple.

— J’y vois clair maintenant, grâce à vous, Monsieur ; et puis j’ai compris qu’il n’y avait pas de honte à rebrousser chemin lorsqu’on était dans une mauvaise voie. »

Le convict n’était pas un méchant homme au fond, et la semence jetée dans son âme y avait porté des fruits qui n’étaient cependant pas encore mûrs.

Dès que l’aube parut, les voyageurs se mirent en marche dans la direction de l’horizon verdoyant qu’ils avaient découvert la veille. Ils parvinrent enfin au but désiré. La récompense de leurs fatigues était là, sur les bords d’une belle rivière, bordée d’arbres verts, qui coulait dans un lit étroit et profond, de telle sorte que, du côté où ils étaient, il n’y avait pas possibilité d’atteindre le niveau et de se procurer de l’eau.

C’était un grand désappointement pour les voyageurs, qui continuèrent à suivre le cours du torrent écumeux en observant un profond silence. Ils arrivèrent ainsi jusqu’à un certain endroit où le lit du courant d’eau s’était rétréci. Jack s’arrêta alors, et, montrant à ses amis un arbre élancé qui croissait sur le bord proposa de l’abattre pour en faire un pont sur lequel on passerait du côté opposé.

Il n’y avait pas à balancer ; il fallait mettre la rivière entre les voyageurs et leurs ennemis qui probablement n’auraient pas l’ingéniosité de suivre cet exemple. Il fut donc convenu que l’on allait tenter l’opération.

Tout en parcourant la plaine, les naufragés errants avaient trouvé et recueilli de l’avoine mûre, et Ruth s’occupa à broyer et à moudre du grain pour en faire des galettes. Pendant ce temps-là, Jenny Wilson faisait cuire des pommes de terre sous la cendre, et cherchait dans les bois environnants l’herbe à thé, dont elle eut bien désiré prendre une infusion.

Les jeunes gens, laissant les femmes occupées à leurs travaux, se disposèrent à abattre l’arbre qui devait servir de pont. Quoique leurs haches de pierre ne fussent pas très bien affilées, ils parvinrent, avec quelques difficultés cependant, à entamer le tronc, à augmenter peu à peu l’entaille, si bien qu’à un moment donné un grand craquement se fit entendre, et que le géant s’inclina pour tomber sur le bord opposé du courant d’eau.

Cela fait, les travailleurs infatigables se hâtèrent de couper les branches qui obstruaient le passage, d’aplanir le tronc et de traverser plusieurs fois ce pont improvisé pour s’assurer de sa solidité. Enfin Jack fabriqua une corde, qu’il lia à des morceaux de bois taillés à cette fin, de façon à servir de rampe pour rassurer les peureux.

Max Mayburn donna l’exemple du courage en passant le premier, guidé par son fils aîné. Vint ensuite Marguerite, que Gérald accompagna avec les plus grandes attentions ; Jenny Wilson et Ruth traversèrent en poussant quelques cris de terreur, mais sans trop de difficultés. Quant à Baldabella, son enfant sur l’épaule, elle s’avança sans manifester la moindre crainte.

Dès que tous les naufragés du Golden-Fairy se trouvèrent réunis sur