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VOYAGE

« Arthur, dit tout à coup Hugues à son frère, regarde donc ces oiseaux, qui ont une crête rouge sur la tête et un grand bec que l’on dirait être en bois. L’un d’eux, le plus gros, ferait un bon plat pour notre souper. Cela ressemble fort à des cigognes.

– On trouve des oiseaux pareils dans toute l’Australie, remarqua Wilkins. Les colons nomment ces oiseaux les « amis des indigènes ». Ils sont si familiers, qu’on peut s’approcher d’eux et leur tordre le cou.

— Je m’opposerai à une pareille trahison, Wilkins, répliqua Arthur, puisque ces pauvres volatiles sont « nos amis ». Allons ! bornons nos exploits à la tuerie des kakatoès et des perroquets. Puis, cela fait, je propose de descendre au pied de la montagne pour faire du bois et chercher quelques opossums qui serviront de nourriture à notre aigle. Les fourrures seront employées pour fabriquer des manteaux, chose très utile pour nous, en cas de pluie surtout. »

Sans plus songer à l’orage, les joyeux compagnons descendirent à travers bois et réussirent à tuer plusieurs opossums. Ils purent aussi faire ample provision de figues mûres et enfin, après avoir fait de nombreuses chutes sur le gazon glissant, ils abattirent un superbe kangarou qui, sans doute pour se mettre à l’abri, s’était, contre toutes les habitudes de ces animaux, glissé sous bois.

Jack avait dépouillé un eucalyptus de son écorce, et il la traîna du côté de la grotte, tandis que Wilkins jetait le kangarou sur ses épaules, imité par les autres chasseurs, tous chargés de différentes dépouilles.

Ils atteignirent enfin l’entrée de la grotte, au grand contentement de Max Mayburn et des autres, et se hâtèrent de changer de vêtements.

« Veuillez examiner cette écorce, dit Jack à Max Mayburn on dirait une planche. Elle est épaisse d’environ trois centimètres et nous pourrons l’employer à toutes sortes d’ustensiles. J’essayerais au besoin de tailler là dedans une légère carriole si nous avions sous la main des bêtes de somme. Allons ! je vais d’abord façonner une table et quelques sièges, des seaux pour l’eau, des plats, etc. etc. Puisque nous ne pouvons plus nous promener, travaillons, afin de tuer le temps. »

Ces projets furent, en effet, réalisés. Un morceau d’écorce coupé en carré, et aplati à l’aide de larges pierres plates, servit à faire une table que l’on fixa sur quatre poteaux. On façonna de la même manière des bancs et des escabeaux. Puis vint le tour des récipients pour l’eau, de verres à boire, de tasses un peu rudes de formes, il est vrai mais en somme très utiles car tous ces objets, cimentés avec de la gomme, étaient réellement d’un parfait usage.

Les dames se réconciliaient presque à l’existence aventureuse qu’elles menaient, en se voyant ainsi munies des ustensiles les plus indispensables à la vie civilisée. Ce plaisir fut doublé lorsque, la pluie venant à cesser, elles purent s’établir sur le devant de la grotte, où la lumière se faisait un passage à travers les lianes appendues aux crevasses du rocher.

Le soleil s’étant levé un matin, les jeunes gens furent tentés de sortir de leur retraite forcée et d’aller hors de la forêt, dans la plaine qui l’environnait, risquer une chasse aux kangarous et aux émeus. En longeant diffé-