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AU PAYS DES KANGAROUS

sible de mourir de faim. Mais ce qu’il y avait à redouter, c’était une rencontre avec les « coureurs des bois ».

Comme il faisait encore jour, Wilkins, pour apaiser les appréhensions de Max Mayburn, engagea Arthur à l’accompagner sur les hauteurs d’où l’on commandait le territoire à une très grande distance ; mais la nuit surprît les explorateurs avant qu’ils eussent atteint la cime des rochers, et Arthur, après quelque hésitation, recourut au seul moyen qui lui restait pour appeler les chasseurs. Il fit feu d’un seul côté de son fusil, et les échos répercutèrent la détonation, qui ressemblait fort à une décharge d’artillerie. Il était impossible que Hugues et Gérald n’eussent pas entendu ce signal.

Après avoir attendu quelque temps, dans l’espoir d’ouïr une réponse, c’est-à-dire des cris de rappel, Arthur et Wilkins revinrent aux grottes fort tourmentés par l’insuccès de leur tentative. Max Mayburn se lamentait, non seulement de la disparition de son fils, mais encore de celle d’O’Brien, le dernier rejeton de la famille de son ami.

Arthur s’efforça de représenter à son père qu’il fallait avoir bonne espérance. Sans doute, à son avis, Hugues et Gérald, surpris par la nuit très loin de la vallée, avaient cru devoir se réfugier dans une grotte pour y attendre le jour. Du reste, son intention était de partir, dès l’aube, avec Wilkins et Jack pour retrouver les deux chasseurs imprudents.

« Heureusement, cher père, fit Marguerite, que ce pays n’est pas hanté par des carnassiers et des félins redoutables. Mon frère et Gérald ont dû pénétrer dans une grotte, sans crainte d’y trouver méchante compagnie. Ils n’ont pas été ensevelis dans une avalanche ni entraînés dans les eaux d’un torrent. Voyez-vous, dans ce pays béni de Dieu, rien n’est à redouter que l’homme, et encore…, si l’on savait s’y prendre, les noirs seraient bientôt les amis des blancs.

— Mes pauvres enfants ! où sont-ils ? disait Max Mayburn en versant des larmes amères.

— Nous partirons dès le matin pour les ramener vers vous, dit Wilkins, et ils vous raconteront alors quelle a été leur surprise en entendant ce soir les éclats du tonnerre du fusil de M. Arthur. Nous serons en route dès que le crépuscule nous permettra d’y voir. Mais, de grâce, ne vous lamentez point, ayez confiance en Dieu. »