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AU PAYS DES KANGAROUS

par malheur, en faisant feu sur cet homme, nous aurions attiré sur nous cette troupe de scélérats, plus nombreux que nous ne le sommes. Ayons confiance ! Dieu saura bien livrer ce meurtrier à la justice de ses semblables. »

Tout en parlant ainsi, les jeunes gens traversèrent le bois et parvinrent près de leurs parents et amis, qui les attendaient avec anxiété.

« Tout va bien ! s’écria Gerald. Ils ont passé, et c’est nous qui allons les suivre, mais sans courir, n’est-ce pas Arthur ? car nous n’avons pas le moindre désir de rejoindre ces misérables-là.

— Crois-tu, mon cher enfant, dit Max Mayburn à son fils, qu’il soit prudent de nous aventurer hors de cette retraite assurée ? Qui nous dit que ces convicts ne reviendront pas sur leurs pas, quand ils s’apercevront qu’ils ont perdu la trace ? Dans ce cas ils n’hésiteraient pas à nous massacrer.

— Bill se trouvait-il en leur compagnie » demanda Davy avec un sentiment de honte.

Arthur dut alors apprendre avec toutes les précautions possibles la fin déplorable du malheureux convict, et le pauvre Davy pleura amèrement sur le sort de son frère infortuné.

« C’est lui qui avait fait de moi ce que je suis, disait-il. Je lui pardonne. Mais je l’aimais, et je reconnais que Dieu l’a puni comme il le méritait, car il l’avait terriblement offensé. Que le Seigneur ait pitié de lui dans l’autre monde ! »

Marguerite profita de l’occasion pour expliquer à ce coupable repentant qu’il avait un moyen de racheter ses fautes il fallait pour cela qu’il eût une grande confiance en Celui qui sait tout et voit tout, en Celui qui pardonne à qui se repent.

Wilkins éprouva également une grande émotion à la nouvelle de la mort de Bill, et pourtant il murmura aux oreilles de Jenny :

« J’aime autant savoir qu’il ne se trouvera plus sur notre chemin ; Bill était encore un plus grand gredin que Black Peter, ce qui n’est pas peu dire. »

Comme le cheval blessé par l’émeu ne pouvait pas encore reprendre son service. Arthur déclara qu’il marcherait après les autres sans être monté. L’aîné des Mayburn se porta à l’avant-garde avec Davy, à qui il prodigua à son tour des consolations et de bons conseils. On continua à s’avancer le long de la rive droite de la rivière, où le sol était plus fertile, et sur laquelle les chevaux marchaient bien mieux qu’au milieu des buissons.

Pendant trois jours, aucun incident fâcheux ne vint troubler les voyageurs, qui renaissaient à l’espérance. Ils pénétrèrent enfin dans une contrée plantureuse, couverte d’arbres élancés, sur lesquels les bourgeons se montraient prêts à s’ouvrir. Sur ces arbres se tenaient perchés des milliers d’oiseaux qui chantaient et égayaient la solitude de la forêt.

À mesure que les fugitifs avançaient, ils apercevaient devant eux une chaîne de montagnes qui, lorsqu’ils s’en approchèrent, leur parut couverte de broussailles et sillonnée de gorges profondes, qu’on eût dites placées là pour obstruer le passage.

« Nous ferions bien d’avancer avec précaution de ce côté-ci, observa Arthur. Il me paraît probable que nous voici sur la piste de nos ennemis, et nous aurions très bien pu les devancer.