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VOYAGE

— M’est avis que nous découvrirons quelque belle source là-bas, vers l’endroit ou croissent les grands arbres. En attendant nous avons une tonne d’eau, que nous irons chercher ; car nous camperons ici, n’est-ce pas ?

— J’ai déjà apporté une cafetière pleine et un sac de biscuit, répliqua Jenny. Ruth a également traîné sa cage à poules, avec les oiseaux y contenus.

— Mais, ma chère enfant, observa Gérald, ces pauvres bêtes vont crever là dedans. Voyons ! nous allons fabriquer au plus vite un poulailler au-dessus du niveau de la marée sous un abri convenable. »

Ce qui fut dit fut fait en un quart d’heure. Entre les branches basses d’un arbre de forme bizarre, les jeunes gens tressèrent une prison aérée, qui pouvait parfaitement contenir les « cocottes » de Ruth. Celles-ci, une fois en liberté dans cet espace assez large, se mirent à glousser et à chanter, en signe de joie de reconnaissance. Le coq réveillait tous les échos d’alentour.

Pendant que ceci se passait, Jack et Wilkins avaient mis à mort la tortue : à coup de hache, ils dépecaient la chair de ce chélonien en ayant bien garde de ne pas entamer l’écaille du dos, qui, disaient-ils, devait être fort utile dans le ménage de la famille. On fit du feu, et sur la braise du foyer on plaça la grande écaille remplie d’eau et de chair de tortue.

Cette marmite d’un nouveau genre étonna grandement Jenny Wilson qui regrettait toujours sa vaisselle maladroitement brisée par Ruth.

Le reste de la chair du chélonien fut suspendu à l’ombre des arbres, après avoir été dûment salé avec le contenu du baril emporté du bord du Golden-Fairy par les naufragés ; mais chacun fut d’avis que cette « conserve » ne devait pas être laissée ainsi exposée plus d’un jour ; car, sous ce climat brûlant, elle serait indubitablement corrompue.

« Si vous voulez introduire plus de variété dans votre ordinaire, observa Hugues s’adressant à Jenny Wilson nous allons abattre quelques-uns de ces oiseaux.

— C’est inutile, répondit Max Mayburn à son fils. Dieu nous a comblés en nous procurant de si nombreuses provisions ; il ne faut donc pas l’offenser en détruisant sans nécessité ces innocentes créatures. D’autre part je ne suit pas fâché de pouvoir étudier à mon aise les mœurs de ces oiseaux, qui semblent ne pas avoir peur de nous. Voyez, mes enfants, comme ils se tiennent immobiles sur le rocher ; on dirait qu’ils sont empaillés. »

Au milieu de ce bien-être, un désagrément sans remède était venu inquiéter les naufrages. Les moustiques étaient si nombreux sous les abris des arbres verts, que Max Mayburn était grandement incommodé de leurs piqûres.

« Notre père ne pourra pas rester exposé à ces morsures insupportables, dit Marguerite. Il nous faut absolument pénétrer au milieu de l’île où la Providence nous a jetés, ou retourner vers le rocher sur lequel nous nous trouvions tout à l’heure. De toutes façons, il est urgent de fabriquer une tente à l’aide de notre voile. »

On convint alors qu’après le repas on retournerait, pour une nuit au moins, sur la roche où l’on avait abordé avec le radeau. La chair de la tortue était cuite à point avec autant de soins que Jenny Wilson pouvait en don-